mercredi 21 novembre 2007

Des squelettes et un ver

Après avoir fait des cauchemars tous plus horribles les uns que les autres, je me suis fait réveiller par une secousse. J’ai ouvert les yeux et j’ai vu que Lou avait atterri. Il semblait essoufflé.
-Désolé, je t’ai réveillée, s’est-il excusé.
-Ça va… On est où?
(Je pouvais dire qu’on était dans le désert, à cause de tout le sable, mais ça se limitait à ça.)
-À une journée, une journée et demie d’Eomiss. Il faut que je m’arrête.
-Ok, pas de problème. Je vais en profiter pour enlever ce superbe habit et le brûler ensuite.
J’ai sorti du linge de mon sac à dos et j’ai commencé à me déshabiller, sans me préoccuper le moindrement du monde de Lou. Dès qu’il s’en est aperçu, il s’est retourné.
-Tu aurais pu me prévenir! s’est-il exclamé.
-Vu le nombre d’hommes qui m’ont vue nue au cours des deux derniers jours, un de plus ou de moins.
-Moi ça me dérange!
-…
(Moi je m’en fous. Je ne semble être utile qu’à ce genre de chose de toute façon.)

Après m’être changée, j’ai mis mon manteau, car la température avait baissé. Il ne manquerait plus rien que ça que je meure d’hypothermie! Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un feeling que ça fait partie des choses que Sigma ne veut pas que je fasse, me laisser mourir je veux dire. Je continuais à déprimer d’aplomb et Lou, lui, a appliqué un genre de crème sur la blessure qu’il avait à l’épaule, blessure qui semblait être en parfaite voie de guérison.
-Si je me réincarne, je veux être une méréenne!
-C’est vrai que vous, les humains, vous êtes lents, faibles…
-…Vas-y, continue! Dis-moi autre chose pour continuer à descendre mon estime de moi!
-…Mais ce n’est pas si mal d’être humain!
-…
Il aurait pu me dire n’importe quoi pour s’excuser, le mal était déjà fait. En fait, je devrais plutôt dire que Lou n’a fait qu’énoncer ce que j’avais déjà : je suis une humaine faible et pathétique.
-Je suis déprimée… J’aimerais tellement qu’une brique divine tombe sur ma tête… Ou je pourrais me pendre… Ou me trancher les veines? Mais ça ferait mal et ça tacherait mes vêtements…
-You’re freaking me out!
(Super. Je me suis découvert une autre utilité.)
-…Il faut que je me trouve des Prozac.
-Des quoi?
-Des Prozac. Des petites pilules qui rendent très calme.
-Je crois que Shiva a quelque chose comme ça.
-Génial. Shiva est ma nouvelle meilleure amie.
(Dans l’état où je suis, prendre des médicaments n’est peut-être pas une bonne chose, mais je suis à court d’idée. Je vais craquer si je ne fais pas quelque chose.)

-Tiens, m’a dit Lou, en me tendant une petite fiole.
-…Wow, une fiole… Merci. C’est quoi?
-Ça va aider pour la douleur. J’ai trouvé une fleur exotique et j’ai préparé ce mélange.
-Oui, j’ai des fleurs dans mon sac. Est-ce qu’il faut que je prenne la bouteille au complet ou…?
-Il ne vaut mieux pas. C’est du concentré, alors je ne sais pas ce que ça fait si tu prends la bouteille au complet.
-Ok, merci.
J’en ai pris quelques gouttes et la douleur a instantanément disparu.
-Tu as faim? m’a demandé Lou en me tendant un morceau de pain.
-…Merci.
J’ai pris le morceau de pain, mais je me suis forcée à grignoter. Avec tout ce qui venait de se passer, je n’avais vraiment pas la tête à manger. Je me sentais si mal, de toutes les façons possibles.
-Au moins je ne suis plus avec le vieux bédouin pervers…
-Comment ça «pervers?» Ils n’ont pas essayé de te tripoter au moins?
-Euh… Euh… Je… Euh…Les étoiles sont belles!
J’ai tourné mes yeux vers le ciel, évitant soigneusement de regarder Lou.
-Oh… Désolé. J’ai fait aussi vite que j’ai pu.
-…Je ne connais pas mes constellations, mais ce n’est pas grave! Les étoiles sont belles!
(Ne t’en fais pas Lou, je sais que tu as fait tout ce que tu as pu.)

-Alors… On n’a pas vraiment eu l’occasion d’être seuls tous les deux pour parler, m’a-t-il dit.
-Ok…
(Il va me demander quoi?)
-Comment tu as connu le général Nakago?
-Euh… À Talius, il y a quelques années.
-Il y a combien de temps?
-À peu près trois ans.
Qu’est-ce que tu lui trouves?
-Euh… beaucoup de choses.
-Tu n’es pas très bavarde.
-Ça servirait à quoi d’en parler? Tu vas sans doute faire comme tout le monde! Me dire «Tu es folle de l’aimer! Il se sert de toi!»
-Tu veux que je te dise ça?
-…Je m’en fous.
(Je suis rendue tellement habituée d’entendre ce genre de choses, qu’une fois de plus ou de moins. Mais ce que je trouve à Nakago? Il est beau, charmant, gentil, fort, protecteur, attentionné et je sais qu’il ferait n’importe quoi pour moi. God I miss him. )

-Et toi, tu as ou avais de la famille? lui aie-je demandé.
-J’avais de la famille.
-…Oh… Et à part être le garde du corps de Kerns, tu fais autre chose?
-C’est ma fonction principale.
-Moi, je ne sers à rien. J’ai eu un passé merdique, j’ai un présent merdique et je vais probablement avoir un futur merdique!
-Si tu penses comme ça, c’est ce qui va arriver.
-C’est bien parti pour ça.
-Moi aussi j’ai eu un passé merdique, un présent merdique et j’aurai sans doute un futur merdique!
-C’est comme si tu prenais une mauvaise décision… Tu veux changer les choses, mais tu prends une autre mauvaise décision…
-Oui…
-Et tu as l’impression que ça ne sert à rien d’en parler aux autres ou de dire que tu regrettes, parce qu’ils ne t’écouteront pas.
-C’est ça!
-Je suis sûre que je te bats n’importe quand!
-Je suis responsable de la mort de toute ma famille.
-…Oh… Ok… Bon…
(Je n’ai jamais vécu cette situation, mais je maintiens quand même que je te bats : je me suis fait abuser dans mon enfance, vendre à un bordel, violer/battre/torturer à répétition. Tu peux en dire autant?)

Je me suis plongée dans mes pensées et Lou a commencé à gosser après quelque chose très, très vite. J’ai remarqué qu’il n’avait pas l’air d’aller.
-Ça va? Tu es malade?
-Non, m’a-t-il répondu.
J’ai mis une main sur son front : il était chaud.
-Tu es chaud.
-Non, ça va.
Tu es malade.
-Non.
-Tu te sens étourdi, fatigué?
-En fait, oui.
-Tu devrais peut-être te reposer…
-Tu vas pouvoir rester éveillée pour surveiller les vers des sables?
-Euh… J’ai deux épées?
Lou a eu l’air assez découragé. Désolée! Je sais que je suis faible, mais je n’y peux rien. Hé! Si je…
-Lou, tu crois que je pourrais faire avec ma pierre ce que je faisais avec les épées de Sigma?
-Sans doute…
-…
(Je pourrais nous transporter jusqu’à l’ombre de quelqu’un du groupe?)
-Tu es un génie!
-Euh… non.
-Oui! Tu es un génie! La croisée des chemins! Elle pourra nous montrer la porte à emprunter!
-…Qui a dit que je l’avais?
-Quoi? C’est ta clé et tu ne l’as même pas?!
-Tu es un peu au courant de ce qui s’est passé?
-Un peu…
-Tu penses vraiment que Julius me l’aurait laissée?
Lou était fâché. Désolée! Ce n’est pas comme si je l’avais prévu!

Ça doit être dans mon karma ça aussi : être incapable de faire quoi que ce soit de correct et déplaire à tout le monde autour de moi. Lou a commencé à pitonner sur son scanner et une carte du désert est apparue au-dessus. Deux petits points rouges signalaient notre présence. Il y avait aussi un gros point rouge plus loin : ça ne pouvait être qu’un ver des sables. Yééé.
-Tu veux un gros cure-dents? aie-je demandé à Lou.
-Je préfère un ver des sables aux bédouins!
-…Quoi?
-Le ver des sables n’essaiera pas de me violer lui!
-…
Lou m’a simplement regardée d’un air qui voulait «on n’a pas le même sens des priorités». Ça aussi, ça doit être dans mon karma : ne jamais prendre la bonne décision. Ou peut-être que Lou sous-entendait simplement que ce n’était pas grave si je me faisais violer. Oui, ça doit être ça… Je ne mérite pas mieux de toute façon.

Dans la plus grande joie, Lou a pris une de mes épées et nous nous sommes apprêtés à nous battre contre le ver. Il était vraiment gros, plus que celui que Lou avait fait exploser au village et aussi plus tough, car il m’a avalée presqu’aussitôt que le combat a commencé. À l’intérieur du ver, c’était très acide. J’ai senti ma peau commencer à brûler. Il n’était pas dit que je me laisserais manger par un ver, alors j’ai tenté le tout pour le tout. J’ai décidé de sortir ma pierre et à mon plus grand étonnement, j’ai réussi. Je me disais qu’un oblivion ça serait bien, mais je n’ai pas réussi à en caster un. J’ai ensuite essayé de me transformer en ombre, mais rien à faire non plus. Il ne me restait donc plus qu’à frapper dans la paroi du ver pour faire un trou et sortir. Je frappais et je frappais, l’acide me faisant de plus en plus mal. Comme il ne servait à rien que je garde ma pierre sortie, j’ai décidé de la faire revenir en moi.

J’ai à peine esquissé le geste, que j’ai remarqué des squelettes qui ont commencé à bouger. Oh mon dieu… Je contrôle les morts…
-Squelettes, venez à moi.
Ils se sont mis debout et sont venus dans ma direction. Wow… Je contrôle les morts… Que de possibilités…
-Frappez le ver pour faire un trou.
Ils se sont aussitôt exécutés et moi je les ai regardés faire. J’ai pris une potion rouge en attendant, car j’étais plutôt amochée. Mes squelettes étant plutôt lambineux, c’est un trou fait par Lou qui m’a finalement permis de sortir. Le ver devant nous s’agitait beaucoup, à cause des coups portés par mes nouveaux amis.
-Allez-y… Continuez à frapper… Go.
-…
Lou m’a regardée comme si j’étais complètement folle. Quoi? Le ver étant de plus en plus énervé, j’ai demandé aux morts du coin de me venir en aide. Environ seize squelettes sont sortis de sous les sables. Lou a failli en faire une crise cardiaque, avant de se rendre compte que c’était moi qui causait tout ça. J’ai envoyé les squelettes se battre et j’ai gardé près de moi un de ceux qui avaient toujours leur armure.
-Qu’est-ce que tu fais? m’a demandé Lou.
-Quoi? Je m’en sers comme meat shield!
Mon garde du corps n’a pas empêché le ver de me mettre dans les pommes. J’ai été réveillée par Lou qui me brassait. Les squelettes qui n’étaient plus sous mon contrôle venaient vers nous pour nous inviter à les rejoindre. J’ai réussi à la dernière minute à les arrêter et à les renvoyer en direction du ver. Mes points de vie étant très bas, je suis retombée par terre en un rien de temps. Je n’étais pas inconsciente, mais je ne pouvais pas bouger. Lou a dû me redonner une potion pour me remettre sur pied. À peu près deux secondes plus tard, je suis retombée par terre, toujours incapable de bouger. Mais je n’avais plus de potion rouge. Lou a semblé plutôt découragé.
-Je ne pensais pas me servir de ça!

Il a pesé sur une des pierres de son casque et elle est tombée dans sa main. Elle s’est ensuite transformée en arme : un bâton avec un trident à chaque extrémité. Il a séparé le bâton en deux et m’en a tendu une extrémité.
-Je ne peux plus bouger! Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse?
Lou a repris le trident et a attaqué le monstre. Moi, je tentais du mieux que je pouvais de contrôler mes squelettes. Quand le ver s’est tourné vers moi, j’ai cependant dû les sacrifier. Je les ai tous envoyés devant moi les uns après les autres pour qu’ils me protègent, mais le ver les a tous détruits très rapidement. Je me suis finalement retrouvée seule devant le ver, étendue par terre et toujours incapable de bouger. Le ver s’est rapproché, et encore rapproché… Muuu…. Je ne veux pas mourir dévorée par un ver. Au moment où le ver allait prendre une bouchée de moi, il y a eu une grosse explosion et il a perdu sa tête, m’envoyant quantité de schmu dessus, comme si j’avais besoin de ça.

Lou allait bien, mais était aussi présentable que moi. Comment on va faire pour se rendre à Eomiss? J’ai regardé le ver, puis ma pierre. Mmmm…
-Aaaah! Il est encore vivant! s’est exclamé Lou en voyant le ver bouger.
-Non, c’est moi. Lou, tu crois que ça va vite un ver?
-…Non! Non! Pas question!

Dix minutes plus tard…

-Ce n’est pas si mal finalement, a constaté Lou.
Il avait accepté à reculons de monter sur le ver avec moi et… appelons-le Roger. Roger était le seul squelette qui avait survécu au ver et il nous servait de chauffeur.
Lou, complètement épuisé, a fini par s’endormir. Moi j’ai dû rester réveillée, car je devais contrôler le restant de ver er Roger. Au bout d’un peu plus d’une journée de route, j’ai fini par apercevoir ce qui ressemblait à un dôme gigantesque.
-Lou. Lou!
-Huh?
J’ai tourné son visage encore endormi vers le dôme.
-C’est la ville ça?
-Pourquoi il y a un dôme dans le désert? m’a-t-il demandé.
-Je ne sais pas!
(Je ne sais pas à quoi ressemble Eomiss. Mon airship s’est écrasé au sol avant que j’arrive.)
-C’est la ville, a dit Lou, plein d’espoir. Tu sais ce que ça veut dire?
-Des shops de Prozac!
-Un bain!
-Oui, ça aussi.
(Mais d’abord et avant tout, des shops de Prozac. Je jure que je vais dévaliser toutes les pharmacies que je vais trouver!)


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