Eeeeeuuuuhhhh..... Ok...

Flare nous a dit qu’elle pouvait nous enlever elle-même nos pierres à l’aide d’un autre forbidden spell. C’était une bonne nouvelle en soi, mais elle s’exposerait ainsi à d’autres graves conséquences. Elle nous a dit que c’était un bien petit prix à payer pour sauver le monde. Je veux bien le croire, mais être prêt à consciemment se sacrifier de cette façon… Je ne sais pas si je serais assez forte pour le faire. Une fois que nos pierres seraient séparées de nos âmes, elles deviendraient de simples objets. À ce moment-là, seule une personne de notre élément pourrait la toucher. Rien que d’imaginer Cobalté toucher à ma pierre me donnait des frissons dans le dos… Une fois de retour avec nos copains les bad guys, il nous faudrait leur cacher nos pierres si nous ne voulions pas qu’ils s’en emparent. Sheyenne a suggéré de les cacher dans sa bibliothèque. C’était une bonne idée, mais si Rage tombait entre de mauvaises mains, c’en était fini de nous et du monde.

Pour que la pierre nous soit enlevée avec succès, nous allions devoir passer une épreuve. Notre volonté de vivre allait devoir être assez forte, car notre âme allait résister au processus. Certains pensaient que Kyle/Priam ne désirait pas vivre, mais Flare nous a révélé que c’était au contraire parce qu’il désirait vivre qu’il avait si peur de la mort. Elle a dit à Ariste qu’elle voulait lui parler seul à seul et elle s’est ensuite tournée vers moi. Avant même qu’elle n’ouvre la bouche, je me suis sentie mal à l’aise. Euh… Je n’aime pas être le centre d’attention, alors est-ce que vous pourriez regarder ailleurs tout le monde? Elle a dit que mon cœur était rempli de peur et de désespoir, que si je ne faisais pas face à mes peurs, je mourrais.
-Qu’est-ce que tu espères de ton avenir?
-Ce que j’espère…?
Tout de suite, j’ai vu dans ma tête des images du happy ending que j’espérais avoir avec Nakago : une maison, un chat, un chien, tout plein d’enfants… Rourou, tu me manques tellement…
-When you look in the eyes of the man you love, what do you see? Is he unhappy?
-...No.
(Quand il me regarde, je ne vois qu’à quel point il m’aime.)
-Pourquoi ne demandes-tu pas à tes compagnons de t’aider?
-…C’est plus facile à dire qu’à faire, lui aie-je répondu.
Et puis je ne me vois pas trop le faire. Hé, groupe! Aidez-moi à obtenir ma fin heureuse avec Nakago! Qu’est-ce qu’ils pourraient bien faire pour m’aider? Et qui voudrait m’aider de toute façon…?

Flare a continué de verser du sel sur le bobo. Ça a fait mal, très mal. Pas parce qu’elle me racontait un tissu de mensonges destinés à me blesser, mais parce que je savais au fond de moi qu’elle disait la vérité. Ça faisait mal, mais aussi peur, parce que plusieurs personnes se trouvaient autour de nous et je craignais que quelqu’un ne fasse un commentaire qui me rabaisse un peu plus mon moral. Je me sentais toute retournée, mais je n’aurais pas dû, car ce qu’elle me disait était la vérité nue que je n’avais jamais voulu m’admettre à moi-même : je refuse de m’accorder la rédemption, la paix, le pardon… Appelez ça comme vous voulez, j’en suis incapable. J’ai fait souffrir tant de gens, tant de fois, alors est-ce que je ne mérite pas aussi de souffrir?
-Tu as fait des erreurs, a continué Flare, mais l’important est que tu les regrettes.
Les regretter? Il ne se passe pas un seul instant sans que je ne les regrette. Et je pense que je les regretterai pour le restant de mes jours, mais passer à autre chose…?
-…Je ne pense pas que…

J’ai terminé la phrase dans ma tête. Je ne pense pas que… j’arriverai jamais à me pardonner.
-Tu es vraiment une dark, a-t-elle commenté en souriant.
-…Je suppose…
(Si les dark sont tous dépressifs, négatifs, émotifs avec des légères tendances suicidaires, alors oui, je fais extrêmement honneur à mon élément.)
Flare s’est approchée de moi et a posé sa main sur mon cœur. Il y avait tant de chaleur dans son geste que j’aurais voulu qu’elle ne s’arrête jamais. Il y a très longtemps que mon cœur ne s’est pas réchauffé ainsi. Je crois que la dernière fois c’était à Merra, quand j’ai revu Nakago., et ça n’a été que pour quelques heures.
-Il y a de la force en toi, mais tu refuses de le voir.
-…
De la force en moi? Euh… Où ça? J’ai tout le temps peur, je passe mon temps à atteindre le fond du baril… Alors de la force?
-Les autres te font confiance, alors pourquoi n’as-tu pas confiance en toi-même?
Je n’ai pas eu le temps de répondre que Julius poussait un grand soupir. Quoi? Je suis désolée, mais je n’y peux rien si je me sens comme ça. Et puis qui me fait confiance au juste?
-…Je me vois mal aller demander ça à quelqu’un (aka Talis). Hé toi, est-ce que tu m’as pardonné?
-Sometimes actions speak more than words.
-...
(Not for me.)

-Pourtant ils t’ont pardonnée, ils t’ont tous pardonnée.
-…Eeeuuuhhh… Ok…
Quand m’ont-ils pardonnée au juste? Et qui m’a pardonnée? Je n’ai pas pu m’empêcher de jeter des petits coups d’œil en alternance à Julius et à Talis, car c’était le pardon de ces deux personnes qui m’importait le plus pour l’instant. Julius ne peux pas m’avoir pardonnée, il pense que je suis juste une… Et Talis? There’s no way that he could have forgiven me, not after everything I did to him.
-…Ok… Ben c’est ça : ok.
(Je suis trop perturbée là. Elle a dû se tromper c’est certain.)
-Il faut que tu arrêtes de te tourner vers le passé. Tu ne peux rien faire pour changer le passé, mais tu peux changer le futur.
-…
Ça c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Tirer un trait sur ce que j’ai fait? Je n’ai aucune idée de comment on procède. Est-ce que c’est vraiment possible? Je n’en suis pas si sûre…

J’étais tellement perturbée que j’ai à peine écouté ce qui s’est dit ensuite. Flare a dit à Julius que s’il continuait à s’entêter à penser avec sa tête et non son cœur il mourrait aussi. Nous représentons bien deux extrêmes : lui la logique et moi les émotions. Qui l’eut cru. Après que Flare fut partie avec Ariste, Julius nous a dit de nous reposer et aussi que c’était le moment pour ceux qui voulaient se parler. Je ne sais pas si cette remarque s’appliquait à moi, mais je me suis sentie visée. Parler? Hé Julius! Est-ce que tu me considères comme une salope ou pas? Est-ce que tu me fais confiance? Hé Talis! Est-ce que tu m’as pardonné? God, I’m such a coward. A few little words and I can’t even say them. Je suis allée m’assoir contre un arbre et j’ai regardé tout le monde se préparer à se coucher, mon regard oscillant immanquablement entre Julius et Talis. Salem et Vanna étaient particulièrement mignons. Salem a mis son manteau sur les épaules de Vanna pour la tenir au chaud et ils se sont ensuite collés l’un contre l’autre pour dormir. Trop cute. J’aimerais tellement pouvoir faire ça moi aussi, mais ces temps-ci, je n’ai même pas droit à un regard de mon chum.

C’est vrai qu’il faisait plutôt frais, mais je n’ai pas sorti ma couverture de mon sac, mon esprit étant beaucoup trop préoccupé par autre chose. Je n’ai pas arrêté de penser à ce que Flare m’avait dit. Ils m’ont tous pardonnée? J’avais de la difficulté (beaucoup) à le croire. Ça serait bien si c’était vrai, mais j’ai fait tant de mal, peut-être pour des bonnes raisons, mais pour des raisons égoïstes tout de même. Peut-on vraiment vouloir pardonner à quelqu’un comme moi? J’ai trahi le groupe deux fois (même si ça me semble beaucoup plus), alors Julius voudrait-il vraiment me pardonner? Et que dire de Talis…? Je ne voulais que l’aimer et le rendre heureux et je n’ai réussi en fin de compte qu’à le tromper, lui mentir, lui briser le cœur, le tuer et laisser sa fille se faire kidnapper. Pourquoi me pardonnerait-il toute la souffrance que je lui ai causée? Quand il était revenu, il m’avait dit qu’il ne pouvait pas me pardonner, alors pourquoi aurait-il changé d’avis? J’ai fait souffrir, alors je mérite de souffrir, non? Pourquoi quelqu’un penserait-il autrement?

J’ai passé je ne sais pas combien de temps à regarder Julius et Talis, surtout ce dernier. J’étais incapable de me lever et d’aller vers eux pour leur poser la question fatidique, la peur étant beaucoup plus grande que le mince espoir qui y résidait. Je suis vraiment pathétique. J’ai vécu assez d’événements traumatisants pour plusieurs vies, j’ai vécu des batailles, des guerres et pourtant, je n’ai jamais eu aussi peur qu’en cet instant. Prononcer quelques mots me fait plus peur que toutes les horreurs que j’ai pu voir. Je ne veux pas mourir lorsque ma pierre me sera retirée, alors je suppose que je devrais clarifier la situation avant que ça soit fait. Mais j’ai si peur… Une partie de moi espérait que Flare avait raison, mais une autre, celle qui avait toujours été là, n’y croyait pas. Le pardon est-il vraiment possible pour quelqu’un comme moi? Est-ce que j’ai vraiment droit au bonheur?